Le donateur traditionnel est-il mort ?

Entre donateurs traditionnels âgés et nouveaux donateurs en attente d’une relation privilégiée…Comment concilier les approches ?

D’un côté des donateurs historiques, âgées et rodés aux messages traditionnels, de l’autre de nouveaux donateurs plus jeunes qui attendent plus de fond et plus de transparence. Votre collecte s’est développée et confortée sur la première population, mais celle-ci est très sollicitée et vieillissante. Vous ne pouvez compter sur cette seule source de générosité pour pérenniser votre collecte. Il vous faut préparer le modèle économique de demain en exploitant le potentiel de ces différentes populations. Comment gérer ce nouvel équilibre ?

Le donateur traditionnel est -il « mort » ?

L’espèce se fait plus rare dans les fichiers avec le départ progressif des donateurs les plus âgés. Leur générosité est reconnue, à tel point que les grandes associations s’échangent leur adresse. Avec cette hyper-sollicitation, leur capacité de don tend à se réduire. De plus avec l’âge, la peur de l’avenir, parfois la perte d’autonomie ils peuvent être amenés à décrocher. Pour les moins âgés, les plus fortunés et prévoyants, reste une possibilité : organiser leur philanthropie en programmant donation ou legs. Il suffit d’observer une courbe démographique pour mesurer combien l’enjeu du rajeunissement des bases de données est stratégique. Cette information semble corroborée par le recul de plus de 4 % du nombre de foyers donateurs pointé par l’étude Recherches et Solidarités 2016.

Comment motiver des donateurs plus jeunes ?

Cibler les fameux « boomers » devient une priorité si vous ne souhaitez pas voir votre base de données et vos rendements s’étioler d’année en année. Les donateurs de 50 à 65 ans sont généralement très investis avec des dons moyens de 1 à 3 fois plus élevés. Un levier de croissance stratégique si l’on prend en compte la « life time value » forcément plus importante. Les boomers sont toutefois plus difficiles à conquérir. Contemporains de la société de consommation, ils sont généralement plus méfiants vis-à-vis des messages très « marketing » et plus exigeants : sur les motifs d’appels à don, sur les projets à financer, sur la transparence. Pour autant, lorsqu’ils sont conquis et, si vous prenez soin de bien les accompagner, ils constituent pour votre organisation un capital durable et précieux. Un point d’attention toutefois : veiller à une bonne activation et à une gestion de l’adresse car les boomers sont par nature plus mobiles (déménagement, changement de situation du foyer etc..).

Comment identifier ces donateurs à potentiel ?

Selon la taille de votre BDD, cela peut être fait de différentes manières. Il est possible de procéder à un score générationnel afin d’enrichir à partir de données externes votre propre fichier (intégration de données significatives). Il est également possible d’approfondir la connaissance donateurs via une étude quantitative. La réalisation d’un questionnaire donateurs permet de comprendre les différences en termes d’attitudes mais aussi de comportements de don entre les différentes générations. Cet exercice présente l’intérêt supplémentaire de mieux comprendre ce qui attache vos différents donateurs à votre cause et à votre organisation. Ainsi, vous allez pouvoir mieux comprendre ce qui motive respectivement boomers et matures. Finis les présupposés, vous allez pouvoir construire offres et messages sur des bases objectives.

Quelle que soit la manière d’identifier les fameux boomers, il sera ensuite crucial d’étudier leurs caractéristiques : une phase d’étude qualitative via une phase d’entretiens individuels ou des réunions de groupe permettra de bien cerner leurs attentes et motivations.

Comment s’adresser aux matures et aux boomers sans monter une usine à gaz ?
La réponse passe par quatre chantiers complémentaires :

  • Un argumentaire modulable selon les grands profils de donateurs identifiés pour nourrir vos différents messages
  • La mise en avant d’offres ajustées au potentiel à date des différents profils : PA, IFI, legs, thématiques et projets…
  • La proposition aux donateurs les moins âgés de recevoir moins de messages papier au profit d’un cycle d’information en ligne
  • Une écoute régulière de vos donateurs et un suivi scrupuleux de leurs comportements et réactions à vos sollicitations.

Un argumentaire modulable selon les cibles, un cycle de communication ajusté :

Repartez de votre cause et des enjeux motivant l’appel à don. A priori, peu de raisons pour que cette partie-là varie (exception, si vous servez plusieurs causes et que vous constatez que certaines parlent mieux à certains profils de donateurs).

Ensuite, les enquêtes formelles ou informelles auprès de vos donateurs vous guideront pour imaginer un mix appels/offres de collecte différenciées. Voici ce que l’on peut dire sur ce point, sans entrer dans les finesses de votre organisation :

  • Les donateurs matures donnent pas tradition, par engagement parfois intime vis-à-vis d’une cause. Ils sont généralement moins soucieux de suivre le projet ou l’action mise en avant. L’idée qu’il servent et à laquelle ils sont attachés, les incite à répéter le don avec le sentiment gratifiant d’être cohérents et fidèles. Ils sont disponibles et ne sont pas choqués de recevoir de fréquents messages et ou des appels téléphoniques.
  • Les boomers, même s’ils ont, pour certains hérité, de certaines attaches (confessionnelles, sociologiques…) cherchent généralement un sens supplémentaire dans l’acte de don. Cela varie bien entendu avec la cause : essentiellement sur les « principes » pour une cause confessionnelle ou culturelle, généralement sur la « nature du projet et son impact » pour des causes scientifiques ou environnementales.) Cela mérite d’être vérifié lors de votre étude qualitative de votre BDD. Enfin, la grille de don peut être plus incitative sur cette cible qui bénéficie aujourd’hui de moyens financiers plus importants. Pour ces donateurs, le temps est plus précieux, et il faut « investir » sur les périodes les plus stratégiques : pendant les temps forts de défiscalisation pour les mailings et emails, le week-end pour les appels téléphoniques.

C’est à partir de ces différents ingrédients que vous pourrez construire et ajuster votre propre plan de sollicitations et vos messages. En gardant à l’esprit une nécessité : penser du point de vue du donateur et non pas seulement de la vision de votre organisation. En effet, trop de messages ne donnent pas de place au donateur, à ses questions et à ses aspirations. Revisitez la perception de la cause pour cette cible, comment voit-elle l’avenir ? Comment a-t-elle envie d’agir à vos côtés ?

Cette démarche empirique, objectivée par les méthodes décrites constitue le chemin le plus sûr pour exploiter et développer votre capital donateurs. Démarche exigeante qui fait ses preuves aujourd’hui pour un nombre grandissant d’organisations.

Catherine Sudres, fondatrice de Causes and Co, accompagne les associations et les projets d’intérêt général dans leurs stratégies de communication et de collecte de fonds. Elle conduit avec ses partenaires des études* pour optimiser les segmentations, affiner les argumentaires et améliorer durablement l’efficacité des dispositifs de collecte.

* Scores générationnels conduits par la société Oktos
* Don’attitudes : méthode d’analyse du capital donateurs conçue et conduite par Causes and Co mixant études quanti et quali